Des nouvelles des Nuts Over The Atlantic ! Cette semaine nous nous focalisons sur leur rapport à l’eau et comment ils gèrent la vie quotidienne dans un espace restreint où il n’y a aucun moyen de s’isoler. Comment gèrent-ils leur mental quand il n’y a que la mer à voir où que l’on regarde ? La dernière fois que nous avons vérifié leur position via le tracker officiel, le 16 janvier à midi, les Nuts avaient encore 1580 kilomètres à parcourir avant d’arriver à Antigua.
8 Janvier – 21e jour en mer
Lors de ces derniers 21 jours nous avons réellement pu appréhender la puissance de la mer, et compris combien nous devions la traiter avec respect. Nous sommes restés coincés entre deux courants, incapables d’avancer, pendant 12 heures, malgré que nous ayons ramé de manière ininterrompue. Nous nous sommes fait bousculer par des vagues de moins d’un mètre, simplement parce qu’elles étaient propulsées par toute l’eau de l’océan derrière elles. L’expérience la plus effrayante de cette épopée a été de se mettre à l’eau pour nettoyer la coque du bateau. Bien que nous ayons choisi un jour où la mer était calme et la vitesse du vent de 1 nœud environ, soit moins de 5 kms/h, pour faire cette maintenance, la vitesse du bateau était encore telle que nous avons fini littéralement trainés derrière lui. Ce qui nous a fait réaliser que si l’on tombait à l’eau sans être attaché, il serait quasiment impossible d’être repêché. Du coup, nous avons pris l’habitude de vérifier plutôt deux fois qu’une que nous sommes en permanence rattachés au bateau.
L’océan ne pardonne aucune erreur et ne fait pas de prisonniers, mais il n’en reste pas moins fascinant. Quand la mer est plate et que la pleine lune brille dans la nuit, on a l’impression de glisser sur du verre. La lune et les étoiles se reflètent dans l’eau comme dans un miroir et le silence est si épais que seul le son des rames qui percent la surface de l’eau le trouble. Ramer dans ces conditions est une expérience inimaginable. Tout autour de nous et en dessous, il n’y a rien d’autre à voir que du bleu. On imagine toutes les menaces qui hantent cette immensité et c’est très impressionnant. Ceci
dit, pour l’instant nous n’avons rien vu de plus dangereux que des poissons volants ! On réalise alors combien l’océan est immense et combien une traversée en solitaire doit donner l’impression d’être seul au monde.
Naviguer sur des eaux agitées qui vous malmènent est terrifiant. Mais ce sont aussi les moments les plus stimulants et motivants car c’est dans ces moments-là que l’on prend le plus de vitesse . Lorsque l’on se retrouve face à une vague haute de deux étages, il y a deux choses qui vous viennent spontanément à l’esprit : a) pourvu que le bateau ne se retourne pas ; b) pourvu qu’on attaque cette vague correctement pour pouvoir la surfer ! Il n’y a aucun moyen de se prémunir d’un éventuel retournement. Par contre, attaquer la vague pile au bon moment et au bon endroit pour s’assurer de prendre le plus de vitesse possible et de surfer le plus longtemps possible est l’une des expériences parmi les plus grisantes de cette aventure. Il y a peu de chance que nous puissions vivre ça à nouveau une fois cette traversée finie. Surfer une vague de 12 mètres de haut, en pleine nuit, n’est pas une expérience que l’on peut décrire avec des mots. C’est largement mieux que n’importe quel manège à sensation !
Transformer l’eau de mer en eau potable est l’une des tâches parmi les plus simples de ce périple. Nous utilisons un dessalinisateur Osmosea fourni par Jim Cudd et notre sponsor Sailfish Marine. Le fonctionnement est simple, l’eau de mer est pompée par l’appareil, puis passée sous pression à travers un filtre et une membrane. A la sortie, c’est l’eau la plus pure que nous puissions avoir ! L’appareil fonctionne parfaitement depuis le tout premier jour, croisons les doigts pour que ça dure jusqu’au bout !
15 janvier – 28e jour en mer
Cette compétition est probablement l’un des moments parmi les plus difficiles de nos vies. Ceci dit, ce n’est pas de ramer qui, en soi, a été le plus dur ; mais d’arriver jusqu’à la ligne de départ !
Non seulement il a fallu jongler entre nos boulots à temps plein, créer un site web, gérer les réseaux sociaux, s’entrainer, lister et acheter l’équipement nécessaire, s’occuper de la construction du bateau, organiser et assister à des évènements et enfin, rechercher des sponsors ; mais en plus il nous a fallu gérer toutes les déconvenues que nous avons dû subir avec le bateau et composer avec la malchance. Nous avons signé le contrat et déposé un acompte pour la construction du bateau en janvier 2017. Nous devions le recevoir fin juin 2017. A l’approche du mois de juin, nous avions été informés qu’il y aurait un léger retard et que nous aurions notre bateau mi-juillet. Lorsque nous nous sommes présentés pour prendre possession du bateau, nous n’avons trouvé que la coque. Pas de peinture, les écoutilles n’étaient pas posées donc le bateau n’était pas étanche, les équipements pour les rames et l’électronique n’étaient pas installés.
Ça a donc été notre première déconvenue majeure, et nous n’avions rien vu venir. Le constructeur nous avait régulièrement envoyé des nouvelles de l’avancement du bateau : tout n’était que pure invention. Notre bateau devait être prêt à prendre la mer pour différents évènements auxquels nous nous étions inscrits et pour lesquels nous avions payé des frais d’engagement, ainsi que des interviews et le Bristol
Harbourside Festival. Nous avons donc passé deux semaines dans la panique, à chercher désespérément un bateau à emprunter. Bien peu de gens étaient disposés à prêter un bateau valant la bagatelle de 70.000€ à une équipe dont ils n’avaient jamais entendu parler – et on peut les comprendre. En fin de compte, nous avons trouvé un bateau quelques heures seulement avant notre premier évènement et avons dû enchainer 13h de route pour aller chercher le bateau et le ramener à Bristol. Nous sommes arrivés à 6h du matin, et le festival commençait à 7h. Pari réussi ! Ce fut deux semaines extrêmement stressantes et nous n’avions aucun désir de recommencer une telle épopée. Nous avons donc décidé de transférer notre bateau chez un autre constructeur. Nous avons donc signé un nouveau contrat, et le bateau devait nous être livré fin septembre. Ce délai devait normalement nous permettre d’avoir le temps de réaliser le nombre d’heures obligatoires à ramer avec ce bateau pour pouvoir s’aligner au départ du Talisker Whisky Atlantic Challenge. Nous avions bien appris notre leçon : bien que le bateau soit maintenant en Ecosse, nous nous sommes rendus régulièrement à l’atelier pour vérifier l’avancement du chantier.
Tout allait bien jusqu’à ce que l’on nous informe qu’à cause d’un problème de personnel, notre bateau ne pourrait nous être livré que fin octobre. Comme il devait en principe partir vers La Gomera le 28 octobre, ce nouveau délai était donc un nouveau coup dur.
Après avoir contacté notre transporteur, nous avons compris que la seule option qu’il nous restait était d’emmener nous-même le bateau par la route jusqu’à la ligne de départ, ce qui nous laissait donc quatre semaines de plus en Angleterre pour réaliser les heures à la rame obligatoires avant d’aller à La Gomera.
Manque de chance encore, le second constructeur nous a laissé tomber. Pour faire court, quand nous avons quitté le Royaume-Uni pour aller à La Gomera, le bateau n’était pas complètement prêt.
Tous ces retards nous ont donc conduits à finir le bateau par nous-même, directement sur place, et nous ont également obligé à partir trois jours après les autres concurrents.
Partir trois jours après les autres, pour nous, cela voulait surtout dire que nous n’allions pas bénéficier des conditions météo favorables dont les autres avaient profité. Cela signifiait aussi que nos deux objectifs majeurs pour cette course, à savoir gagner en catégorie « Pure Class » et battre le record du monde, allaient être quasiment impossibles à atteindre. Mentalement, ce fut très difficile. Nous avions passé deux ans de nos vies à nous préparer pour ce challenge. Nous avions tout fait pour être compétitifs. Mais malgré tous nos efforts, c’était comme si notre rêve nous avait été volé par ces deux constructeurs qui nous avaient laissé tomber.
C’est probablement ce qui a été le plus dur pour nous. Ensemble, nous avons pleuré, nous nous sommes mis en colère, nous avons explosé de frustration. Mais, nous avons aussi su nous épauler les uns les autres, et nous avons aussi su nous fixer de nouveaux objectifs : par exemple, rattraper le plus grand nombre possible de bateaux. Les messages de soutien envoyés par nos familles, nos amis, nos fans via les réseaux sociaux et nos sponsors nous ont portés durant cette période – bien plus que vous ne pourrez jamais l’imaginer. Ce sont ces moments et ces expériences qui ont fait de nous une équipe. C’est aussi la raison pour laquelle nous n’avons pas rencontré de difficulté une fois en mer. Il y a bien eu des moments où nous nous sommes agacés les uns les autres, mais nous savons très précisément comment chacun de nous
réagit à chaque situation – parce que nous avons vécu les difficultés de ces six derniers mois ensemble. Nous savons aussi quand il est opportun de ne pas déranger l’un d’entre nous, et quand il est bon de demander comment ça va. Sur le bateau, la règle veut que si l’un d’entre nous s’isole dans sa cabine en silence, c’est qu’il a besoin de temps pour lui-même et ne veut pas être dérangé. Une règle qui a parfaitement fonctionné jusqu’à maintenant, et dont on ne voit pas pourquoi cela cesserait de fonctionner d’ici à Antigua. Associé à l’idée que tout grief devait être énoncé et discuté, cela a fait de nous une équipe forte et soudée et nous a permis de remonter à la 4e place, sur 14 bateaux, dans la catégorie « Pure Class ». Ce n’est pas si mal, mais nous voulons monter sur le podium ! Vivre à quatre sur un bateau de 9 mètres de long présente bien évidemment quelques difficultés. Que ce soit pour aller aux toilettes, manger, prendre une douche, faire la maintenance du bateau ou le ménage ; rien ne peut être fait de manière privée. Ceci dit, cela ne nous a pas posé de réels soucis jusqu’à présent, probablement justement grâce à la règle précédemment annoncée. Ça n’est pas tous les jours qu’on peut ramer pendant que celui qui derrière vous masse les épaules ! Cependant, ce serait mentir de dire qu’on ne rêve pas d’un bon lit avec des draps propres et frais …
La prochaine fois que nous vous parlerons des Nuts, ils seront arrivés à Antigua. Arriveront-ils à battre le record de la traversée de l’Atlantique à la rame, en catégorie « Pure » (moins de 35 jours) ? Chez Webgains nous gardons tous nos doigts croisés ! Et vous pouvez apporter votre soutien en faisant un don à la campagne NOTA pour la levée de fonds pour Movember.